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 Les chiffonniers du Caire

Des eaux usées plus propres que le Nil

29 Juillet 2009, 11:06am

Publié par Les chiffonniers du Caire

Égypte

Des eaux usées plus propres que le Nil
Tangi Salaün au Caire -  01/07/2009 
 

Un filet d'eau claire coule du bassin. Des aigrettes picorent sur les pelouses plantées de massifs de fleurs. L'atmosphère est presque bucolique, et il faut inspirer fort pour débusquer un relent d'odeur nauséabonde. Gabal el-Asfar, en Egypte, est pourtant la plus grande station d'épuration d'Afrique. Un vrai défi, dans ce pays de près de 80 millions d'habitants : 1,8 milliard de mètres cubes d'eaux usées domestiques sont en effet déversés chaque année dans le Nil, alors que celui-ci assure à l'Egypte plus de 95 % de ses ressources en eau. Une pollution bactériologique à laquelle s'ajoute la contamination par les déchets industriels et par les engrais, pesticides ou insecticides dont les paysans égyptiens sont de grands consommateurs.

C'est pour tenter de préserver le fleuve nourricier que la station de Gabal el-Asfar a été inaugurée, en 1998. Elle est en partie exploitée par Degrémont, filiale de Suez Environnement, pour le compte de l'Autorité de construction égyptienne pour l'eau potable et les eaux usées (CAPW). Plantée à la limite du désert, au nord du Caire, l'usine traite aujourd'hui, selon Nabil Amer, manager de CAPW, « les eaux usées de quelque 10 millions d'habitants de la rive est de la capitale, soit un volume total de 1,9 million de mètres cubes par jour ». Dix-neuf fois le cubage de la station de Marrakech ! Et ce n'est qu'un début : l'optimisation des structures et leur extension vont bientôt porter sa capacité à 3 millions de mètres cubes par jour. Gabal el-Asfar sera alors en mesure de traiter près du quart des eaux usées domestiques de l'Egypte. Tout cela a un coût : 200 millions d'euros pour la seule construction, d'ici quatre ans, d'une nouvelle tranche de la phase 2 (650 000 mètres cubes par jour). Le financement reste à finaliser, mais cette extension fait partie des projets de dépollution proposés dans le cadre de l'Union pour la Méditerranée.

Autosuffisante aux deux tiers en énergie

Acheminée sous la ville du Caire par un gigantesque réseau d'égouts, l'eau est remontée dans les bassins de décantation et de traitement grâce à d'impressionnantes vis d'Archimède. Un système millénaire, déjà utilisé à l'époque pharaonique pour puiser l'eau du Nil... Elle est ensuite traitée grâce au système classique des boues activées. « Ce processus complet nous permet d'éliminer toute pollution organique, souligne Olivier Chataigner, qui dirige pour Degrémont la phase 2 de l'usine (600 000 mètres cubes par jour). On reproduit ce que fait la nature, mais en accéléré. » Autre avantage : la production de biogaz permet de satisfaire 65 % des besoins en électricité de la station. En fin de cycle, l'eau n'est pas potable, mais elle est « beaucoup plus pure que celle du Nil. Le taux de particules solides en suspension est six à neuf fois inférieur à celui du fleuve », s'enthousiasme Mohamed Bahgat, l'ingénieur en chef de l'usine.

Cette eau se déverse dans un canal qui aboutit au lac Manzala, à 170 kilomètres au nord, et, de là, rejoint la Méditerranée. Elle a donc un impact direct sur la biodiversité du lac Manzala, considéré comme un point noir écologique, et sur son importance économique, puisqu'il héberge les pêcheries les plus productives du pays. La réutilisation de cette eau pour l'irrigation est aussi une priorité stratégique du gouvernement. Alors que les experts craignent une pénurie d'eau pour les pays riverains du Nil à l'échéance de 2050, l'Egypte doit en effet trouver d'autres solutions qu'une simple réduction de sa consommation. D'abord parce qu'elle a développé ces dernières années de grands projets agricoles en zone désertique, très gourmands en eau. Mais aussi pour préserver l'équilibre du delta du Nil : « Si les paysans arrêtaient d'arroser abondamment leurs champs, la nappe phréatique se remplirait d'eau salée, car le limon constitue la seule barrière naturelle avec la Méditerranée, souligne le géographe Habib Ayeb. Ce ne serait pas seulement une catastrophe écologique, mais aussi économique. »

source :http://www.lexpansion.com/economie/actualite-economique/des-eaux-usees-plus-propres-que-le-nil_188753.html

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